Dans le bureau d’Eric nous entendons de nombreux autres chants de poissons que nous ne connaissions pas encore. Nous commençons par le pelates. Une sorte de son de klaxon très court, une petite note à la hauteur légèrement irrégulièrement. Un cousin, le térapon, produit des choruses très intéressants. Isolé, on croirai entendre le son d’un télégraphe en morse, un peu plus grave, et aussi avec cette irrégularité dans la justesse de la hauteur. Cette légère variation qui rend le son plus organique.
A l’aide d’une analyse de spectre, on s’intéresse à la ‘note’ produite par ces sons, en trouvant la fréquences de la note la plus grave, la fondamentale. Eric emploie alors le même logiciel d’analyse des sons que Nathalie Henrich utilise au GIPSA lab pour analyser la voix. La fondamentale est bien à 265 Hz, mais c’est la seconde harmonique qui est bien plus puissante. Donc le muscle se contracte à 265 Hz, mais un phénomène produit des harmoniques, comme chez d’autres poissons nous confie Eric. Cela nous rappelle notre expérience du haut-parleur vibreur en contact avec le ballon de baudruche (cf. expérience du 2018-02-01 intitulé “mise en vibration d’un ballon”), qui générait de très nombreuses harmoniques bien au-delà de la fondamentale émise par celui-ci.
Un autre enregistrement étrange attire notre attention. Ce sont les artéfacts qui s’avèrent être les éléments les plus intéressant. Le son du poisson, légèrement écrêté (enregistré à trop fort niveau) fait résonner l’aquarium. Puis, nous entendons la même espèce dans son contexte naturel, avec la manière dont se répondent les poissons au loin. Plus sonore que celui qu’Eric nous avait sorti du formol, toujours dans la famille des ophidiiformes, le genypterus, un poisson d’environ un mètre de long, vivant par cinq cent mètres de profondeur. Enregistré dans un aquarium en plastique de trois mètres de diamètre. Ensuite, l’ostracion, capable de produire un son continu ponctué de pulses. Le son continu peut durer plusieurs dizaines de secondes. Cela nous évoque une tuyauterie capricieuse.
Une partie de ces sons sont disponibles sur une sonothèque de l’université de Liège, on peut notamment y entendre une quinzaine d’espèces de poissons clowns qu’Eric a étudié, ainsi que des piranhas. Certains sons semblent très proches, et c’est seulement avec un logiciel d’analyse que les différences sont perçues entre les espèces. Parfois, lorsque le poisson est enregistré en aquarium, on peut entendre en fond l’ambiance du laboratoire, les scientifiques qui discutent ou écoutent la radio… Sur d’autres prises de sons, les aigus sont filtrés pour diminuer le bruit des crevettes pistolet. Dans ces enregistrements, nous opérons une pré-sélection des sonorités que nous aimerions reproduire. Nous enchaînons l’écoute de nombreux enregistrements audio de poissons, souvent sans en connaitre le nom. Eric nous parle de ses difficultés d’identifier le fonctionnement de certaines espèces, lorsqu’il n’y a qu’un enregistrement sonore et quelques images. Un peu d’aide pour encore mieux comprendre le fonctionnement des vessies natatoires serait la bienvenue. Viens alors le moment de quitter l’univers sonore subaquatique pour découvrir les bières locales chez lui.