2018.02.07 – Quand les poissons chantent

Lucia et les sons marins

La matin nous rencontrons Lucia Di Orio, co-titulaire de la chaire CHORUS. La chercheuse nous fait découvrir ses travaux  sur l’observation par le son des écosystèmes marins. Celle-ci a notamment travaillé avec Éric Parmentier, précédemment cité dans ce blog. Nous écoutons une série d’enregistrements de chants de poissons, réalisés en Sardaigne et constatons la variabilité des sons produits par le mérou, l’ophidion et le “kwa”, ce poisson non encore identifié qui obsède Lucia… Dans les paysages sonores sous-marins enregistrés par l’équipe, beaucoup de sons restent en effet encore inconnus : seules quelques espèces ont pu être répertoriées et il reste encore un travail considérable d’identification des sons produits dans la mer. Nous avons aussi eu le plaisir d’entendre d’autres sons produits les araignées de mer, les oursins, la langouste ou encore la crevette claqueuse ! Selon la chercheuse, chaque espèce marine communique dans sa propre bande de fréquence, ce qui permet de pouvoir filtrer le signal pour ne conserver le son que d’une seule espèce. 

Des premières questions collectives ont pu être posées : pourrait-on imaginer une corrélation entre le chant des poissons et le chant humain ? Des outils croisés pourraient-ils être ainsi utilisés pour la caractérisation de ces sons ? Les propriétés bio-physiques de ces organes producteurs de sons pourraient-ils être modélisés ? Si nous parvenons à produire des vessies bio-mimétiques, il pourrait être intéressant de les réintroduire dans le milieu naturel des poissons pour étudier leurs modes de communication.

Dissection et observation d’une vessie natatoire de truite

Nous débutons la dissection des truites achetées dans le Vercors la veille, afin de récupérer leurs vessies natatoires pour pouvoir les observer. 

Un scalpel est utilisé pour ouvrir le poisson sur toute sa longueur. Lia s’inspire d’une vidéo sur la dissection d’un gardon et immerge le poisson pour que les organes se détachent naturellement les uns des autres. 

Le système digestif est tout de suite visible sous la chair ; en le soulevant nous pouvons observer une fine membrane remplie d’air. Chez ce poisson, la vessie natatoire s’étend sur quasiment toute la longueur de la colonne vertébrale et en est solidaire.

Si la vessie remplie d’air est bien identifiable, il est difficile de savoir où est placé le muscle sonique : d’après Lucia  il serait placé entre la vessie et la colonne et il s’agirait donc de la masse violacée et vascularisée que l’on observe sur la photo ci-dessus ; mais d’après ce que nous avons pu lire sur l’anatomie du poisson, il s’agirait plutôt des reins. Nous n’avons pas manqué de remarquer aussi deux éléments à la texture striée qui semblent solidaires de la vessie. Sur la photo, il s’agit des deux sortes de “tendons” rosés qui s’amincissent sur la fin pour rejoindre l’autre extrémité de la vessie. Si l’organe violacé a une texture molle et se désagrège facilement, les deux “tendons” sont plus résistants et s’approchent donc plus d’une texture musculaire. Il sera nécessaire de demander l’aide d’un spécialiste sur ce point.

Nous parvenons à détacher délicatement la vessie natatoire de la colonne vertébrale pour pouvoir l’observer.

La membrane semble se vider d’air à la moindre manipulation; le tissu est extrêmement fin, fragile, relativement transparent, et visiblement vascularisé. Sa texture s’apparente à du boyau et la matière est extrêmement glissante. En manipulant la vessie dans le sens de la longueur et de la largeur, la poche semble plus résistante qu’il n’y parait et il nous a semblé intéressant de mesurer son élasticité 

Pour ce faire, nous mesurons sa longueur au repos (140 mm env.), sa largeur au repos (12,4 mm env.) et l’épaisseur de sa paroi  (40 microns env.)

Mesure de l’élasticité de la membrane ( Module de Young)

L’élasticité de la membrane de la vessie natatoire peut se mesurer par un essai de traction. Pour cela, on suspend la vessie par un poids. L’allongement élastique de la vessie est proportionnel au poids.

On en déduit le module élastique de la membrane, dit module de Young  par la formule mathématique suivante:

E=σ/ε

avec σ la contrainte développée par le poids sur la section de la membrane et ε l’allongement relatif (en pourcents).

La contrainte est égale à σ=F/S, avec F=mg le poids et S=2ew la section qui supporte ce poids, e étant l’épaisseur de la membrane (40 microns) et w étant la largeur.

On trouve une valeur de E=5x 10^6 Pa. Par comparaison le module élastique du caoutchouc d’un ballon de baudruche est 5 fois plus faible.

 

Mesures effectuée sur le ballon de baudruche au repos et étiré par un poids, puis mesure d’élasticité d’une vessie natatoire de truite
Mise en équation par Philippe

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